Claude Ballin
CLAUDE BALLIN (+ 1678)
D’après Charles Perrault, de l’Académie française, dans « Les hommes illustres qui ont paru en France » ed Paris chez Antoine Dezallier, rue Saint Jacques à la Couronne d’or, M. DC. XCVI
I Contexte historique :
Louis XIV règne depuis la mort de son père, Louis XIII, en 1643.
A la mort de son premier ministre, le Cardinal de Mazarin, en 1661, Louis XIV gouverne par lui-même en souverain absolu.
Dès 1664, le roi passe commande de meubles en argent.
En 1682, Louis XIV décide de s’établir avec la Cour à Versailles, le mobilier d’argent le suit dans ses appartements.
II La vie de Claude Ballin selon Charles PERRAULT :
L’orthographe a été adaptée au goût de notre époque mais l’ordre des mots, le vocabulaire, la ponctuation et les paragraphes restent fidèles au texte original.
« Claude BALLIN, orfèvre né à paris d’un père qui était aussi orfèvre, a porté la beauté de son art à un degré de perfection ou personne avant lui n’était peut-être jamais arrivé, du moins nous reste-t-il peu de chose et des Anciens et des Modernes qui puisse comparer à ses ouvrages. Il avait un discernement exquis pour prendre ce qu’il y avait de plus beau dans l’Antique, et un géni admirable pour y ajouter de son invention mille grâces et mille beautés qu’on n’avait point encore vues. Il commença par l’étude du dessin en copiant chez son père les beaux tableaux du POUSSIN, et en s’exerçant dans les Académies que plusieurs particuliers tenaient alors chez eux : car en ce temps-là l’Académie Royale de peinture et de sculpture, et la Manufacture Royales des Gobelins n’étaient pas encore établis. Il travaillait en même temps à plusieurs ouvrages d’orfèvrerie où il se rendit si habile, qu’à l’âge de 19 ans il fit quatre bassins d’argent de soixante marcs chacun, où les quatre âges du monde étaient représentés. Comme ces sujets fournissent d’eux-mêmes de très belles idées, et qu’il sut les mettre dans leur plus beau jour, on regardait ces quatre bassins comme quatre chefs-d’œuvre, et ils furent trouvés si beaux que quelques temps après on les fit dorer. Le Cardinal de Richelieu les ayant achetés, BALLIN fit quatre vases à l’antique du même dessin que les bassins pour les accompagner, et rendre l’assortiment complet. Sarrasin, excellent Sculpteur de ce temps-là, étonné de la capacité d’un homme aussi jeune que BALLIN l’était alors, lui fit ciseler plusieurs bas-reliefs d’argent, et entre autres les songes de Pharaon qui sont d’une beauté singulière.
Il fait d’or émaillé la première épée et le premier hausse-cou [ou hausse-col, pièce d’armure qui protégeait le cou et la poitrine] que le Roi a portés, et le Chef de S. Remy que Sa Majesté donna à l’Eglise de Paris, de même qu’à S. Denys et à Pontoise, des Ouvrages de sa main, tous d’une beauté et d’une élégance qui n’auront peut-être jamais d’égale. Il a fait un miroir d’or de quarante marcs pour la Reine Anne d’Autriche, que le Roi garde encore. Il serait à souhaiter que tant d’autres Ouvrages qu’il a faits pour le Roi, sous les ordres de Monsieur COLBERT, Surintendant des Bâtiments, fussent encore en nature. Il y avait des tables d’une sculpture et d’une ciselure si remarquables, que la matière toute d’argent et toute pesante qu’elle était, faisait à peine la dixième partie de la valeur. C’était des torchères ou de grands guéridons de huit à neuf pieds de hauteur, pour porter des flambeaux et des girandoles, de grands vases pour mettre des orangers, et de grands brancares pour les porter où on aurait voulu, des cuvettes, des chandeliers, des miroirs, tous Ouvrages dont la magnificence, l’élégance et le bon goût étaient peut-être une des choses du Royaume une plus juste idée de la grandeur du Prince qui les avait fait faire. Ils ont été fondus pour fournir aux dépenses de la guerre. Nous avons perdu par là un des grands ornements de notre siècle, et un monument éternel de la gloire de la Nation, qu’elle aurait pu opposer et à l’Antiquité la plus savante dans les beaux Arts, et à tous les siècles qui l’ont suivie, mais le Roi a bien voulu sacrifier au bien public ces marques de sa magnificence, et disposer ses sujets par un exemple si singulier à faire la même chose de leurs plus beaux meubles d’argenterie. Heureusement le sieur de Launay excellent Orfèvre et excellent Dessinateur, qui marche sur les traces du sieur BALLIN dont il a épousé la nièce, a dessiné la plupart de ces beaux ouvrages avant qu’on les fondit : et comme on espère qu’il les fera graver, ce sera quelque consolation aux curieux sur une perte si grande pour les beaux Arts. Il reste aussi quelques petites ouvrages entre les mains des particuliers, par lesquels ont pourra juger de la beauté de ceux qu’on n’a plus. Sa Magesté lui donna, après la mort du sieur VARIN, la direction du Balancier des Médailles et des Jetons, qu’il a exercée jusqu’à sa mort. Je dois remarquer que celui dont je fais l’éloge n’a [on écrivait « a » et non « est » au XVIIème siècle ] pratiquement jamais sorti de Paris ; ce qui montre combien est grande l’erreur de ceux qui croient qu’il n’y a que ceux qui ont passé plusieurs années en Italie qui puisse exceller dans les beaux Arts. Il mourut le 22. janvier 1678. âgé de 63 ans. »
III L’œuvre :
L’œuvre de Claude BALLIN est définitivement attachée au mobilier d’argent du roi à Versailles comme le rappelle Charles PERRAULT.
Charles Le Brun crée des modèles qui sont exécutés à la manufacture des Gobelins ou aux galeries du Louvre. Ce mobilier d’argent massif, se retrouve dans le grand appartement du roi composé de sept salons (salon d’Hercule, salon de l’Abondance, salon de Venus, salon de Diane, salon de Mars, salon de Mercure, salon d’Apollon) qui conduisent à la galerie des Glaces.
En plus du mobilier d’argent, de la vaisselle d’argent recouvrait la table du roi.
Les quelque 200 pièces qui constituaient la grande argenterie pesaient environ 20 tonnes d’argent massif. Il y avait des tables de 350 kilos, de magnifiques miroirs de plus de 400 kilos, d’imposantes bancelles de 250 kilos dont les dossiers étaient couverts de broderies si précieuses qu’on les protégeait par des housses de taffetas crème. A elle seule, la balustrade qui isolait le lit royal pesait plus d’une tonne. « Ce gigantisme, remarque Béatrix Saule, pourrait paraître barbare sans la délicatesse de la ciselure qui ornait toutes ces pièces de scènes mythologiques, d’emblèmes royaux ou de références au dieu solaire Apollon. » Hélas, cette luxuriance n’allait durer que sept ans, de 1682 à 1689.
En 1689, Louis XIV s’est résolu à faire fondre son argenterie afin de financer la guerre de la Ligue d’Augsbourg.
Il aurait eu à cette occasion les mots suivants : « la guerre est un art qui détruit tous les autres ».
0 commentaire